Dyspepsie fonctionnelle

Définition

La dyspepsie est un syndrome englobant symptômes qui trouveraient leur origine dans la partie supérieure du tube digestif, à savoir l’estomac et l’intestin grêle. Ces symptômes comprennent la douleur épigastrique (parfois à type de brûlure), la plénitude gastrique, la nausée et la satiété précoce définie par l’impossibilité de finir un repas de taille normale. Les vomissements peuvent être associés mais leurs caractères aspécifiques (origine neurologique ou métabolique) n’en font pas un symptôme typique. Parmi ces malades le groupe de travail international de Rome IV distingue deux formes particulières qui ont en commun de survenir de manière chronique, c’est-à-dire depuis plus de 6 mois (1). La première forme est le syndrome dyspeptique douloureux épigastrique dominé par la présence d’une douleur et/ou d’une brûlure épigastrique. La seconde forme, dénommée syndrome dyspeptique postprandial, regroupe la plénitude gastrique et la satiété précoce, ces symptômes survenant de manière privilégiée après les repas.

Epidémiologie

Il n’existe à l’heure actuelle aucune donnée spécifique au sein de la population générale Française, mais de nombreuses études réalisées au sein de pays de l’OCDE retrouvent une prévalence de la dyspepsie d’environ 10 à 30 %, tandis que la dyspepsie fonctionnelle représenterait 5 à 20% de la population générale (2). La dyspepsie fonctionnelle est associée à une diminution de la qualité de vie, une souffrance psycho-sociale et à une diminution de la productivité au travail. En France, les coûts de santé concernant la dyspepsie fonctionnelle ne sont pas connus, mais on estime qu’ils sont comparables à ceux du syndrome de l’intestin irritable (environ 400€/patient/an). Dans les formes les plus sévères (gastroparésie réfractaire), ils peuvent monter à plus de 4000€/patient/an.
Dans 10% des cas, la dyspepsie fonctionnelle survient après une gastroentérite infectieuse. Les facteurs favorisant la survenue d’un syndrome dyspeptique est la présence d’Helicobacter pylori, la prise d’AINS ou d’opioïdes, l’âge, le sexe féminin. De manière étonnante, le tabac comme la consommation d’alcool ont un lien marginal avec le syndrome dyspeptique. Il existe un chevauchement important avec le syndrome de l’intestin irritable et le reflux gastro-oesophagien, dont les symptômes peuvent parfois être confondus.

Diagnostic

Le diagnostic clinique de la dyspepsie fonctionnelle repose sur les critères de Rome IV (cf supra). Néanmoins, les symptômes dyspeptiques ne sont pas spécifiques. Ils ne permettent de façon fiable ni d’identifier une origine organique ni mécanisme physiopathologique particulier. A l’heure actuelle, les explorations complémentaires sont réservés à 2 situations, les patients âgés de plus de 50 ans ou présentant des symptômes d’alarme (altération de l’état général, anémie, saignement…). Ces explorations comportent au minimum une endoscopie digestive haute et une biologie simple (2-3). On parle alors de dyspepsie « explorée ». Néanmoins, l’endoscopie n’identifie d’anomalie organique que chez moins de 10 à 30% des malades (2), ne retrouve un cancer que dans moins d’1% des cas. Parfois, une imagerie peut être indiquée en fonction des symptômes pour éliminer, entre autre, une pathologie biliaire. La recherche d’Helicobacter pylori peut être réalisée au cours de l’endoscopie ou par d’autre moyen (test à l’urée). Dans les cas les plus sévères, un recours aux explorations fonctionnelles (mesure de vidange gastrique, mesure de la relaxation gastrique) peut être proposée pour orienter la prise en charge thérapeutique (3). Une pHmétrie œsophagienne est parfois nécessaire pour distinguer des symptômes provenant d’un éventuel reflux gastro-œsophagien.

Principes de prise en charge

En l’absence de cause organique identifiée, le traitement est symptomatique (3). Dans un premier temps, des mesures hygiéno-diététiques peuvent être proposées même si leur efficacité reste très limitée. L’éradication d’Helicobacter pylori peut être envisagée si sa recherche est positive, mais sa faible prévalence en France (moins de 20% des cas) et la faible efficacité symptomatique rend cette stratégie « tester et traiter » peu coût-efficace (3). En seconde intention, le traitement du syndrome dyspeptique douloureux épigastrique repose sur les IPP et les antidépresseurs tricycliques, tandis que les prokinétiques (dompéridone, metoclopramide) ainsi que les stimulant de la relaxation gastrique (buspirone, mirtazapine) peuvent être utilisés dans le syndrome dyspeptique postprandial (3). Dans tous les cas, les différentes études soulignent l’important effet placebo des différentes molécules et leur modeste efficacité symptomatique. Par exemple, le nombre de malade à traiter pour en soulager un est compris entre 7 et 14 pour l’ensemble de ces molécules. Il est à noter que ces prescriptions se font la plupart du temps « hors AMM ».

Les formes les plus sévères peuvent nécessiter un support nutritionnel en cas d’intolérance alimentaire. En cas de trouble de la vidange gastrique (gastroparésie), l’érythromycine, la stimulation électrique gastrique, l’injection intra-pylorique de toxine botulique ou enfin la pyloromyotomie endoscopique peuvent être discutées, mais leurs indications sont souvent posées au sein de centres experts.

Enjeux et perspectives

La dyspepsie présente un triple enjeu. Le premier est d’ordre médico-économique. Si le cout par malade induit par ce syndrome peut paraitre moins élevé que dans d’autres situations pathologiques, sa prévalence très élevée dans la population générale (5 à 20%) génère automatiquement des couts directs et indirects majeurs.

Le second enjeu est d’ordre diagnostique. En effet, le diagnostic actuel repose sur des critères cliniques, qui ne permettent pas à eux seuls de distinguer les causes organiques des causes fonctionnelles. Il n’existe à l’heure actuelle aucun marqueur diagnostique ou pronostique de ce syndrome. Dés lors, la question du recours aux explorations complémentaires se pose chez chaque malade avec les conséquences que cela peut avoir en termes de cout de santé ou d’effets secondaires.

Enfin, la problématique majeure que partage la dyspepsie fonctionnelle avec les autres troubles fonctionnels digestifs reste son traitement qui présente une efficacité limitée. Certaines molécules présentent également des effets secondaires rares mais potentiellement graves (QT long avec la dompéridone, syndrome extrapyramidal avec le metoclopramide) et ont étés retirées du marché dans certains pays. Ceci contraste avec le développement de nouvelles molécules qui sont le plus souvent absentes du marché Français alors qu’elles sont disponibles dans d’autres pays européens. Dés lors, les malades se tournent souvent vers des thérapies alternatives (compléments alimentaires, probiotiques…), le plus souvent sans ordonnance, et dont l’efficacité n’a le plus souvent jamais été démontrée. Cela induit pour les malades un reste à charge important.

Pr Guillaume Gourcerol, CHU de Rouen

Mots clés 

Dyspepsie, Endoscopie digestive haute, Helicobacter pylori, Gastroparésie, Inhibiteur de la pompe à proton

Références

  1. Stanghellini V, Chan FK, Hasler WL, Malagelada JR, Suzuki H, Tack J, Talley Gastroduodenal disorders. Gastroenterology. 2016 May;150(6):1380-92
  2. Mahadeva S, Goh KL. Epidemiology of functional dyspepsia: a global perspective. World J Gastroenterol 2006;12:2661–2666.
  3. Enck P, Azpiroz F, Boeckxstaens G, Elsenbruch S, Feinle-Bisset C, Holtmann G, Lackner JM, Ronkainen J, Schemann M, Stengel A, Tack J, Zipfel S, Talley NJ. Functional dyspepsia Nat Rev Dis Primers. 2017 Nov 3;3:17081.